Et une fois que le romancier nous a mis dans cet état, où comme dans tous les états purement intérieurs, toute émotion est décuplée, où son livre va nous troubler à la façon d’un rêve mais d’un rêve plus clair que ceux que nous avons en dormant et dont le souvenir durera davantage, alors, voici qu’il déchaîne en nous pendant une heure tous les bonheurs et tous les malheurs possibles dont nous mettrions dans la vie des années à connaître quelques-uns, et dont les plus intenses ne nous seraient jamais révélés parce que la lenteur avec laquelle ils se produisent nous en ôte la perception; (ainsi notre cœur change, dans la vie, et c’est la pire douleur; mais nous ne la connaissons que dans la lecture, en imagination: dans la réalité il change, comme certains phénomènes de la nature se produisent, assez lentement pour que, si nous pouvons constater successivement chacun de ses états différents, en revanche la sensation même du changement nous soit épargnée). →
And once the novelist has brought us to that state, in which, as in all purely mental states, every emotion is multiplied ten-fold, into which his book comes to disturb us as might a dream, but a dream more lucid, and of a more lasting impression than those which come to us in sleep; why, then, for the space of an hour he sets free within us all the joys and sorrows in the world, a few of which, only, we should have to spend years of our actual life in getting to know, and the keenest, the most intense of which would never have been revealed to us because the slow course of their development stops our perception of them. It is the same in life; the heart changes, and that is our worst misfortune; but we learn of it only from reading or by imagination; for in reality its alteration, like that of certain natural phenomena, is so gradual that, even if we are able to distinguish, successively, each of its different states, we are still spared the actual sensation of change.